mars 02, 2007

Le poker selon Machiavelli

Introduction :

Les ouvrages de Machiavelli tout comme Sun Tzu peuvent être une formidable inspiration pour tout joueur de poker qui souhaite sortir du droit chemin indiqué par nos chers auteurs tels que Slansky ou encore Harrington. S’il est vrai qu’une bonne technique « by the book » est nécessaire pour comprendre les rouages du poker et gagner ses premiers tournois, il faut d’autres qualités pour devenir le leader incontestable d’une table de poker.

David Apostolico l’a bien compris et ce diable à déjà mis en œuvre une idée qui m’était chère : faire un parallèle entre le poker et les idées de Machiavelli ou de Sun Tzu sur les ouvrages du Prince ou de l’art de la guerre.

Je vais tenter de vous présenter les conclusions de ses recherches sur sa description du Prince selon Machiavelli qui peut s’appliquer à une table de poker

La fin justifie les moyens :

S’il y a bien un endroit ou le manque de moral dans l’objectif de prendre le contrôle est tolérée, c’est bien à une table de poker. Et c’est parce que votre rôle est le même que n’importe qui d’autre à la table. Vous voulez gagner l’argent des autres. Et pour aller plus loin, l’argent que vous ne perdez pas est tout aussi important que celui que vous gagnez en plus.

Ne soyer jamais sympathique avec vos sujets car votre rôle est de leur prendre le plus d’argent possible. Par sympathie j’entend donner une carte gratuite ou tout simplement leur offrir les côtes du pot.

La déception est une part importante et acceptée du poker. Vous devez l’utiliser judicieusement mais lorsque vous l’utiliserez aller y à fond. La déception est plus que le bluff. Il s’agit de mixer son jeu de sorte que vos adversaire ne puisse avoir de lecture sur votre jeu. Vous les forcez ainsi à prendre des décisions avec une information incomplète et donc les poussez à l’erreur.

Avant d’entrer sur le green d’une table de poker, préparer mentalement à entrer en guerre. Laisser de côté toute morale pour ne vous concentrer que sur votre objectif ultime, devenir le leader à la table et prendre les jetons de vos adversaires.

Si vous vous prenez un bad beat, encouragez votre adversaire à continuer en le félicitant sur sa main. Car si on éveille une rancune chez lui il peut très bien partir ou ce concentrer plus pour améliorer son jeu.

Enfin il n’y a pas de cours d’appel ou vous devrez répondre de vos perfides mouvements et justifier votre jeu. Il n’y a pas d’embarras à avoir sur le style que vous employé et vous êtes seul juge des moyens que vous utilisez pour accomplir votre tâche.

Soyer le prince de la table :

Une table de poker est un monde cruel ou chacun fera ce qui est en son pouvoir pour vous nuire. Vous ne pouvez pas vous permettre d’être faible ou de montrer le moindre signe de faiblesse. En aucun cas vous ne devez paraître vulnérable. Bien au contraire, vous devez voir les autres joueurs à la table comme vos sujets et les taxer en conséquences. Vous devez contrôler leur jeu et régner à la table tel un prince en mettant en œuvre toutes les actions en votre pouvoir pour obtenir le pouvoir et le conserver. Le pouvoir à la table peut être matérialisé par les jetons et l’image.

Si votre adversaire est faible, vous devez l’attaquer et le punir pour son jeu. Cela fera d’autant plus de vous un joueur respecté auprès des autres. Un joueur est parfois faible lorsqu’il est assis à une table plus élevée que ses moyens ne le lui permettent. Il joue alors pour ne pas perdre plutôt que pour gagner. C’est d’ailleurs un sentiment que vous avez déjà vous-même expérimenté. Tachez d’isoler ce joueur pour le taxer.

Un autre type de joueur faible est la calling station. Isolez ce type de joueur et faite le payer ses tirages. Si jamais il se met à relancer ou miser c’est qu’il a touché et laissez votre main.

Dès que vous percevez que votre adversaire est effrayé par le board, confirmez ses craintes en misant. Faites lui payer ses erreurs.

De même vous ne pouvez vous permettre de perdre vos jetons à la table car si c’est le cas les joueurs vous identifierons comme faible et vous attaquerons d’autant plus. Ce qui rendra la tache encore plus difficile pour la suite. Voila pourquoi il vaut mieux écourter vos parties perdantes et prolonger vos parties gagnantes.

Prenez l’initiative, cela vous permet de gagner le pot sans contestation, de plus cela permettra d’envoyer un message à la table pour montrer que l’on ne peut pas vous éjecter facilement d’une main. Une fois votre pouvoir établi à la table, utilisez votre image pour accroitre votre avantage et rester « le Prince ». Vous voulez que vos adversaires vous craignent et que cette crainte altère leur jeu, et ils joueront de plus en plus un poker ABC tel que décrit dans les manuels. Ils attendront de savoir si vous prenez le lead sur la main avant d’attaquer et ils auront peur de vous challenger. Ils joueront les cartes et vous serez le seul à jouer le jeu dans son intégralité.

La vertu :
La vertu représente à la fois le courage, l’intellect, audace, la détermination, l’ambition ou encore la compétence.

Courage :
Si vous avez peur de perdre vous ne pouvez pas gagner. J’aime bien me rappeler cette formule pour les tournois de poker : « Pour survivre, vous devez souhaiter mourir » ! Le poker est un jeu de risques calculés. Si vous ne prenez pas assez de risques vous devenez prédictible et donc vulnérable. Prenez l’initiative, la pression sera alors sur vos adversaires qui auront plus de chance de faire des erreurs. Le courage doit être accompagné de conviction pour que vos mises soit respectées.

Intellect :
soyer alerte pour systématiquement calculer les côtes du pot et observer vos adversaires. Agissez quand vous percevez un avantage : votre main est forte, vous observer de la faiblesse chez votre adversaire, les côtes sont en votre faveur, votre image ou votre position à la table… mais n’engagez pas la bataille pendant l’hiver !

L’histoire nous a montré que trop de capitaine engageait leurs armées dans des conditions qui ne leurs étaient pas favorables et subissaient alors de lourdes pertes. Ne faites pas la même erreur !

Anticipez les cartes à venir et les moves appropriés (au flop, au turn et à la river). Ne pensez pas carte par carte. Expérimenter des moves pour voir comment vos adversaires réagissent.

Prenez en considération l’ensemble des informations à la table avant que ce ne soit votre tour d’agir. Donnez vous toutes les chances possibles avant de prendre votre décision.

Audace :
c’est bien connue, la chance sourit aux audacieux. Essayer de manœuvrer vos adversaires, challengez les pour tester la force de leur main. Le fait est que vous n’aurez pas toujours les cartes avec vous. Il vous faut donc prendre des initiatives pour asseoir votre pouvoir à la table. Cela veut dire prendre des initiatives à certains moments comme miser sur une carte effrayante, contre-attaquer un adversaire agressif ou encore tester suffisamment vos adversaires pour que vous n’ayez plus besoin de jouer vos cartes contre eux.

Compétence :
la meilleure façon de progresser est encore de jouer contre la meilleure compétition que vos moyens vous permettent. N’ayez pas peur de tenter des sauts de limites. Tester vos adversaires au même titre que vous-même.

Détermination :
restez concentré et cherchez les opportunités pour exploiter les erreurs de vos adversaires. Soyez patient et confiant sur le fait que votre compétence fera la différence tôt ou tard. Restez toujours actif à la table que vous soyer dans la main ou non. Cela vous permet d’avoir une meilleure lecture sur vos adversaires mais également de rester imprévisible lorsque vous êtes dans l’action.

L’ambition :
si vous ne voulez pas infiniment gagner, vous ne gagnerez pas ! C’est votre ambition qui permettra à vos sens et votre savoir d’exercer son emprise.

La fortune (le facteur chance) :
Machiavelli acceptait qu’il y est une part de chance et alla jusqu’à accepter que la chance comptait pour 50% dans la destinée de l’homme, mais que pour les 50% restant, c’était à l’homme de contrôler sa destinée. Et si l’homme était en plus proactif, il pouvait se préparer à l’avance aux effets négatifs de la chance et grandement diminuer son impact.

D’un autre côté, ne laissez pas à la chance l’occasion de jouer contre vous. Si les côtes sont en votre défaveur, ayez la rigueur de passer votre tirage.

Le pouvoir peut être acquis par la compétence ou par la bonne fortune, mais seul la compétence permet de conserver le pouvoir. N’ayez pas peur de challenger le cheap leader s’il a acquis ses munitions grâce à la chance.

Le pouvoir :
Machiavelli défend qu’il est préférable que le leader soit craint plutôt qu’aimé. Tout le jeu du Prince est de se faire craindre suffisamment sans pour autant se faire haïr. Pour éviter de vous faire haïr vous devez maintenir une ambiance détendue à la table, féliciter vos adversaires sur leur bonne fortune plutôt que de réprimander leur jeu stupide. Dans le cas contraire, vos petits poissons partirons de la table ou les joueurs qui étaient venus pour se détendre commenceront à se concentrer.

Par la même, si vous réussissez à bluffer vos adversaires, laissez leur savoir qu’ils ont bien fait de coucher leur main. Leur respect pour votre jeu n’en sera que meilleur et cela facilitera d’autant plus vos futurs bluffs. Ne révélez jamais vos mains et laissez ainsi vos adversaires dans l’expectative, le mystère est toujours intimidant.

Une fois au pouvoir c’est le moment de faire de l’argent et tous les coups sont alors permis ! Rappelez vous que la fin justifie les moyens. Profitez de votre position dominante pour jouer plus de mains et intimider vos adversaires. Ne laissez pas le pouvoir vous fuir en même temps que les cartes… agissez ! Mais restez discipliné et concentré. Jouer plus de main ne veut pas dire suivre dans des situations défavorables.

Les leaders sont toujours les innovateurs, laissez les autres joueurs pratiquer un poker ABC et soyez celui qui innove et qui ose mélanger son jeu. Un des challenges les plus important pour les joueurs de poker et de marcher sur cette fine ligne entre la conservation de ses jetons et la prise de risque nécessaire à son accumulation. Vous ne voulez pas mettre en risque votre tapis mais cela « demande du jeton de faire du jeton ». Commencer donc par jouer à de plus basses limites pour mieux appréhender l’ampleur des jetons que vous nécessitez de déployer et avec lequel vous êtes à l’aise. Une fois les proportions bien assimilées, remontez de limites pour augmenter votre rentabilité.

Vous devez travailler au poker à la fois vos techniques d’attaque mais également vos techniques de défense, encore une fois il s’agit d’accumulation ou de préservation de vos jetons. Savoir faire une mise dite bloquante ou un call sur un read sont des techniques tout aussi important que le fait de monter un bon bluff ou de savoir couper les côtes ! Et 10$ sauvés ont autant de valeur que 10$ gagnés !


Cherchez la meilleure configuration :

Attaquez une table avec le plus gros tapis possible. Vos jetons sont vos armes, plus vous en avez, plus vous serez à même de prendre le contrôle. De même jouer à des limites qui ne risquent pas d’alterner votre jeu (cf mon article sur la gestion de sa bankroll).

Conclusion :

Vous l’avez compris, il s’agit ici d’un poker offensif qui nécessite du courage. Soyez un prince et battez vous pour une victoire glorieuse ou une défaite avec panache mais ne laissez pas la fortune décidez à votre place. Les cartes ne seront pas toujours avec vous, c’est donc votre rôle d’aller chercher cette victoire !

Personnellement j’ai déjà pratiqué ce genre de poker (à l’époque ou mon niveau était au top, hélas ce n’est plus le cas) et il apporte bien plus de satisfaction que n’importe quelle autre approche. Notamment parce qu’il ne laisse que peut de place aux cartes !

Enfin je vous (me) conseille d’arrêter de multi-tabler vos tournois ou vos cash-game dans l’idée d’augmenter votre rentabilité (gain/temps) mais de vous concentrer sur une seule table pour réfléchir à votre jeu et devenir le Prince de la table. C’est ainsi que votre niveau pourra s’améliorer et que vous pourrez vous frotter aux sujets de la cour du rois !

Voilà j’espère que cette réflexion vous aura inspiré et je vous donne rendez vous le mois prochain.

Cheers,

Fred D

1 commentaire:

Livre poker a dit…

Intéressant comme approche, j'ai déjà lu Sun Tzu mais je n'avais pas pensé à Machiavel. En tout cas, bien retenir qu'il faut rentrer à la table en guerrier, et non pour se faire des amis!